Vingt ans de la loi Renault : comment le licenciement collectif a-t-il été formalisé ?
Il y a 20 ans, le 27 février 1997, un petit régiment de journalistes spécialisés dans l'économie se retrouvait à l'hôtel Hilton de Bruxelles. Il faisait inhabituellement chaud pour l'époque de l'année, un air de printemps flottait déjà dans l'air. Mais aucune des personnes présentes ne soupçonnait à quel point le climat se réchaufferait dans le pays au cours des jours, semaines et mois à venir.
La presse avant les travailleurs
Le message donné à la presse était bref mais sans ambiguïté : l'usine de Vilvorde allait fermer ses portes à court terme. Les 3098 collaborateurs perdraient tous leur emploi, un sauvetage n'était plus possible. Alors que les journalistes se hâtaient de communiquer la nouvelle à leurs rédactions, les travailleurs étaient également informés. Le timing et la manière dont travailleurs et direction locale ont été placés devant le fait accompli, combinés à la communication malheureuse à la presse, a suscité une énorme indignation. Les syndicats se sont mobilisés au niveau européen et national, et la Belgique politique était unanime dans sa désapprobation.
Indignation collective
Cette indignation collective déboucherait près d'un an plus tard sur une toute nouvelle loi, que l'on connaît désormais sous le nom tout à fait approprié de « loi Renault ». Les lignes de force étaient simples : désormais, les travailleurs devraient toujours être les premiers informés - via le conseil d'entreprise s’il y en avait un - d'une intention de licenciement collectif, et auraient de plus le droit d'étudier des pistes alternatives.
Les principes sont clairs
Au cours de ces vingt années, la loi a eu ses mérites, affirme Jan Vanthournout, Senior Manager chez SD Worx Legal Consulting, qui a accompagné plusieurs restructurations : "La loi a bien entendu entraîné une formalisation et juridicisation marquées de la procédure de licenciement collectif, mais elle offre également une base aux employeurs. Les grands principes que l'on peut concrétiser sont en tout cas clairement exposés."
Phase d'information et de consultation
La loi Renault empêche désormais d'annoncer un licenciement collectif dans le but d'arrêter la production à court terme. "Ce sont les travailleurs qui décident de clôturer la phase d'information et de consultation que prévoit la loi. Le processus ne peut être poursuivi que lorsqu'ils estiment que toutes les autres pistes ont été suffisamment examinées. En 2016, les statistiques révèlent qu'à peine 52,9 % des procédures ont été clôturées après 60 jours. Il faut même 120 jours avant que plus de 90 % des procédures soient clôturées, et dans certains cas extrêmes, les procédures durent plus d'un an", explique Jan Vanthournout.
Plan social
"Bien entendu, ce phénomène ne provient pas uniquement du caractère formaliste de la loi Renault. Les attentes des travailleurs ont également beaucoup changé ces dernières années. Il est fréquent qu'on négocie également le plan social et les mesures d'accompagnement des travailleurs licenciés parallèlement à la phase d'information et de consultation. Alors qu'ils se concentraient surtout sur l'aspect financier par le passé, travailleurs et syndicats s'intéressent davantage à la situation totale désormais : comment l'employeur va-t-il aider ses collaborateurs à trouver un nouvel emploi ? Quelle est la qualité de l'offre de reclassement professionnel ? Un budget de formation est-il prévu ? Comment ceux qui restent sont-ils motivés ?"
Budget pour des besoins spécifiques
Jan Vanthournout remarque une autre tendance forte dans la pratique. "Les attentes concernant le volet financier sont également de plus en plus grandes. Les travailleurs ne veulent plus une simple indemnité pour compenser le licenciement, ils veulent souvent un budget qu'ils peuvent adapter à leurs besoins spécifiques. Les travailleurs plus âgés auront peut-être la perspective d'un régime RCC plus avantageux, les malades de longue durée préfèrent un supplément aux allocations de maladie, les jeunes privilégient une prime unique complétée d'une formation qui accroît leurs chances sur le marché du travail. Cela aussi allonge les négociations et exige davantage de suivi de l'employeur."
Dialogue social constructif
D'ailleurs, la durée d'une procédure Renault n'est pas uniquement déterminée par la procédure légale ou la complexité d'un plan social, affirme Jan Vanthournout.
"Notre expérience apprend que les entreprises qui ont une tradition de dialogue social constructif peuvent souvent boucler la procédure d'information et de consultation plus rapidement. De plus, telles entreprises parviennent plus souvent à investir dans des mesures d'accompagnement comme un reclassement interne et externe, des budgets de formation ou une aide dans la recherche d'un nouvel emploi lors des négociations du plan social. Dans les entreprises où le climat social s'était déjà détérioré avant l'annonce, on a parfois tendance à tergiverser davantage avant de clôturer la phase Renault, et les travailleurs se concentreront plus nettement sur l'aspect financier du plan social. Les bases d'une relance constructive et rapide après un licenciement collectif sont souvent posées dans les années qui précèdent le moment difficile."
Jan Vanthournout
manager Tax & Legal
Jan Vanthournout is legal manager bij SD Worx en als academisch consulent verbonden aan de vakgroep sociaal recht van de Universiteit Gent.